Généalogie à l’école (3eme partie) : le témoignage d’un instituteur

Le 28 mai 2014 par Frédéric Thébault

genealogie_a_l__ecole_3.jpgTroisième volet de notre enquête sur la généalogie à l’école. Après les militants, voici maintenant le point de vue d’un instituteur non-généalogiste et, à travers lui, de l’Éducation Nationale. Richard Lang est enseignant depuis 20 ans en école primaire, il a enseigné pour des classes de tout niveau et de toute taille, dans des villages comme dans des grandes villes.


Présentez rapidement votre sensibilité à la généalogie, en avez-vous déjà fait ?

J’ai fait un peu de généalogie il y a une vingtaine d’années. Mais rien de bien poussé. Le côté historique (familial mais aussi le contexte) m’intéresse, en revanche le côté “fourmi” ne me séduit pas. Ce n’est pas une excuse (quoi que…) mais mes origines sont très rapidement à l’étranger (Allemagne, Suisse). Du côté de ma femme c’est encore plus lointain : pied noir d’Algérie, Arménie, Italie.
Quand ce sont les autres qui en font, ça me plaît. J’admets l’excitation que cela représente lorsqu’on trouve de nouvelles pistes, qu’on les vérifie …
Je comprends qu’on apprenne énormément de choses sur soi et sa famille, qu’on retrouve des “intrigues” et des histoires de familles parfois insoupçonnées.

Connaissez-vous des personnes qui en font ?

Quelques personnes de mon entourage en font : un ami est remonté (pour certaines de ses branches) jusqu’au XVIIe siècle je crois. Ma tante aussi s’y est essayé.

richard_lang.jpgEn tant qu’enseignant, avez-vous déjà évoqué avec vos collègues l’apport de la généalogie en classe ?

Nous n’avons jamais évoqué (professionnellement parlant) la généalogie en tant que telle.
Pour nous il s’agit (et ce dès le plus jeune âge) de “structuration du temps” (voilà notre jargon professionnel). Donc oui, nous sommes tous convaincus de l’utilité d’une telle formation chez l’enfant.

Quelle vertu pédagogique a-t-elle ?

De façon certaine, c’est la compréhension et le renfort des liens familiaux au-delà des simples parents directs. On peut aussi y trouver des vertus en terme de vocabulaire et de logique.
 
L’Éducation Nationale évoque-t-elle l’enseignement de la généalogie dans ses programmes ?

Le mot généalogie ne fait pas partie de la terminologie de notre profession. En revanche l’esprit oui, comme je le suggérais aux questions précédentes.
La façon de l’aborder varie selon l’âge. De façon informelle dès la maternelle : l’enseignant profite d’un moment quelconque ou d’une occasion pour évoquer les liens familiaux (exemple : dans la classe il y a deux cousins, c’est souvent le grand-père de XX qui vient le chercher, la tante de YY qui nous accompagne lors de telle ou telle sortie…).
Pas vraiment besoin d’écrit, un tableau sur lequel on trace (ou quelques photos) un arbre généalogique sommaire suffit.

De quelle manière évoquez-vous le sujet en classe, à quel moment et sous quelle forme ?

A partir du CP, la matière “Structuration du temps” figure au programme. Il s’agit tout aussi bien de structurer le temps de la journée, de l’année… et de la vie de l’enfant. Voilà comment la “généalogie” est abordée à l’école élémentaire.

Avec les plus grands, CP, CE1 voire CE2, l’étude ne deviendra pas plus approfondie mais plus systématique. Nous aurons des exigences en terme de mémoire et de vocabulaire.
Je fais remplir chaque année à mes CE2, et autrefois aux CE1, un arbre généalogique remontant jusqu’aux grands-parents. Initialement j’ambitionnais de remonter jusqu’aux arrières grands-parents.
J’essaye aussi d’inclure les frères et sœurs de mes élèves. Mais là encore les familles recomposées ne facilitent pas le travail !

Dès le CE2 nous réinvestirons toutes ces connaissances pour dépasser le cadre familial de l’enfant et le transposer en Histoire : le roi Dagobert est un descendant de Clovis, Charles Martel est le grand-père de Charlemagne.

Quelles sont les réactions des élèves ?

Ils y sont sensibles. Du coup ils évoquent quelques histoires de famille… C’est aussi le cas lorsque l’on parle des armistices du 11 novembre et du 8 mai.

Sont-ils en âge de comprendre la notion d’ancêtre, de personnes ayant vécu il y a 300 ans ?

Oui, ils comprennent la notion d’ancêtre… Mais cela est tout de même loin d’eux, dès qu’on dépasse les grands-parents.
Par comparaison j’ai le sentiment qu’ils perçoivent cela un peu comme nous, adultes, percevons l’infiniment grand : c’est grand, c’est très grand, c’est très très grand. On l’a bien compris mais on a un peu de mal à hiérarchiser tout cela.

Pour exprimer l’idée de “longtemps”, ils utilisent le terme “à l’époque”. Mais pour eux, l’époque de leur arrière-arrière-grand-père c’est la même époque que celle de Vercingétorix ou celle de Louis XIV… Nous devons aider à structurer tout cela.
Concernant la mort, c’est une notion encore très floue pour l’ensemble des jeunes de leur âge, à quelques exceptions près.

Retrouvez nos autres notes consacrées à la généalogie à l’école :
> Première partie : interview d’Evelyne Duret, présidente de la commission « Génécole » au sein de la Fédération Française de Généalogie.
> Deuxième partie : interview de Fabien Larue, intervenant en milieu scolaire

Allez plus loin avec une série d’ouvrages spécialement dédiés aux enfants :
deviens_un_expert_en_genealogie.jpgQuand ils avaient mon âge : 50 ans de vacances 1936-1986

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