Doit-on parler du passé, seconde partie

Le 17 juil. 2013 par admin

elle_s__appelait_sarah-vignette.jpgNous avons évoqué la semaine dernière le devoir de mémoire grâce au témoignage de Mahfoud Salek, désireux de rendre hommage aux familles ayant vécu à Oradour-sur-Glane, village-martyr de la Seconde Guerre mondiale, au travers de son site web. Le travail du généalogiste n’est cependant pas anodin et la prudence reste de mise lors de révélations liées à ses recherches.


Révéler des faits oubliés, une entreprise périlleuse ?

Il est parfois difficile de gérer les conséquences de certaines révélations. Si la plupart du temps les recherches généalogiques se déroulent sans anicroches, suscitant l’enthousiasme et l’émotion chez nos proches, il arrive de façon marginale que certaines réactions face à nos découvertes soient négatives. Car la généalogie, si elle reste une extraordinaire aventure dans le passé, ne nous met pas à l’abri des reproches lorsque, tel des détectives, nous élucidons un mystère ! En effet, nos recherches peuvent parfois réveiller un passé dont nous ne soupçonnions pas l’existence et qui aurait sans doute préféré rester endormi…

C’est ainsi que « R » s’est vu rejeté par l’une de ses tantes lorsqu’il a découvert un secret de famille qui l’a mené à une cousine jusqu’alors ignorée : « Elle refuse de reconnaître l’existence de cette nouvelle branche familiale et, depuis, ne me parle plus du tout. Il semble aussi qu’elle coupe les ponts avec d’autres branches familiales qui acceptent de recevoir ces nouveaux cousins », nous confie-t-il.

Car, si le généalogiste s’attend souvent à découvrir un précieux secret au détour d’un acte, il n’en est pas toujours de même pour son entourage dont certains n’hésitent pas à se détacher si la révélation est trop choquante… ou simplement différente de la réalité perçue jusqu’alors.

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C’est pourquoi « M » préfère ne plus parler de ses recherches à certains membres de sa famille : «  Lorsque j’ai appris que mon grand-père maternel avait un enfant d’un premier mariage la curiosité a été plus forte et j’ai commencée à chercher ce demi-cousin. […] J’ai alors découvert que mon grand-père s’était engagé volontairement dans la Waffen SS. Pour moi, ça n’avait rien de négatif, enfin si mais qu’est-ce que cela changeait ? Peut-être que mon âge me permet d’avoir suffisamment de recul. Mon grand-père n’était sûrement pas le seul à avoir des idées différentes de la norme. Dans ces lettres, il parlait de sa fille qui lui manquait.Alors quand j’ai retrouvée cette demi tante, j’ai cru que je pouvais lui raconter les fait tels qu’ils avaient étés. Seulement pour elle les choses étaient différentes, elle avait imaginée son père d’une telle manière qu’il ne pouvait pas avoir choisi de rejoindre l’Allemagne volontairement, elle reste persuadée qu’il n’a pas eu le choix, qu’il entrait dans le cadre du STO. Surtout elle refuse d’admettre que son père a porté les armes contre son propre pays et dans le fond ça se comprend. Aujourd’hui, je ne parle plus de cette partie de la vie de mon grand-père, ni à ma tante, ni à personne. »

« Ch », lui, a été réduit au silence par le véritable père de son ex-femme… celui-ci étant internationalement connu ! Certains des enfants de cet homme n’ont pas bien réagi au fait d’avoir une demi-soeur, il a donc demandé à « Ch » de ne pas laisser ces informations à la vue de tous tant qu’il n’a pas révélé ce secret à la totalité de sa famille, ce que notre généalogiste comprend parfaitement !

Parfois, nous choisissons de nous-même de nous taire parce que nous ne voulons pas infliger de souffrances inutiles à une personne. Comme « C » : « Une personne âgée qui souhaitait connaître le lieu de naissance de ses grands-parents et n’avait que peu de renseignement sur ses parents morts alors qu’elle était toute jeune, m’a demandé de chercher pour elle. J’ai découvert que sa mère avait tué son père : je ne lui ai jamais dit. »

C’est également le cas de « F », qui n’a pas révélé à un proche qu’il y avait dans sa généalogie toute une lignée de bourreaux.

Alors, où placer la limite ? Que faut-il choisir entre rendre à une famille un passé qui fait partie d’elle-même et respecter le « droit à l’oubli » parfois prôné par les générations précédentes ?

Chacun a son opinion sur le sujet.

Ainsi « L » est-elle « totalement contre le fait de cacher quelque chose du passé lorsqu’on fait une généalogie » tandis que « E » pense que « la divulgation de faits troubles n’est pas légitime si on n’en fait rien de positif. »

Quant à « B », il nous offre une très belle conclusion sur le sujet : Nous ne devons pas juger nos ancêtres, nous devons seulement découvrir et relater les faits et les événements, comme un historien. Souvenons nous que nous avons tous dans nos ascendants “un prince et un voleur”.

Faire une généalogie n’est donc pas anodin et présenter son travail à autrui peut s’avérer plus compliqué qu’il n’y paraît… Il ne faut cependant pas se décourager ! La recherche généalogique reste une incroyable aventure et, au final, les réactions négatives restent peu courantes comparées au bonheur des racines retrouvées. 

Pour réfléchir de manière légère sur le sujet :
 
Le carnet de Lili, Annick Kiefer (éditions Nouvelles Plumes), roman dans lequel l’héroïne livre le lourd secret d’une famille qui n’est pas la sienne, après avoir trouvé un vieux journal intime.

Elle s’appelait Sarah (2010), film de Gilles Paquet-Brenner tiré du roman de Tatiana de Rosnay. Une journaliste découvre que l’appartement de ses beaux-parents appartenait à une famille juive au moment de la rafle du Vel d’Hiv…

> première partie de cette note, consacrée au devoir de mémoire.
> illustration et vignette : affiche du film “Elle s’appelait Sarah”

Merci à tous les généanautes qui ont répondu à nos questions !

1 commentaire

J’ignorai tout de la famille de mon père pupille de la nation, une personne m’a contactée “cousine” , j’étais très heureuse, mais elle me dit qu’elle hésiter à me révéler des faits qui pourraient me peiner beaucoup. Je n’ose plus à aller plus loin dans mes recherches.


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